Depuis des années, je range des petites choses (carnets de voyage, lettres, photos, petits objets...) dans une 'boite à souvenirs' que je conserve précieusement dans le coffre de ma chambre. Je ne l'ouvre que très rarement parce que je me dis toujours qu'il y a, à l'intérieur, des choses que je ne veux (peux) pas jeter mais que je n'ai pas spécialement besoin ou envie de voir régulièrement. Tout cela vient du passé. Et donc, lors de mon rangement d'appart, je tombe sur un petit objet, je ne sais pas où le ranger... 'Et pourquoi pas dans ma boite à souvenirs ?' Me voilà donc partie dans ma chambre, j'ouvre cette fameuse boite, ignorée depuis de longs mois. J'y dépose l'objet. La tentation - vous l'imaginez - est trop forte et je ne résiste pas: je fouille. C'est là que j'ai aussitôt regretté ce geste. Une photo. Planquée tout en dessous, cachée sous une pile de lettres et de carnets. Une photo de moi. Sa seule vue me coupe le souffle. Littéralement.
Je vous explique. Depuis une paire d'années, je ne marche plus et ne me mets plus debout. Je me déplace donc en fauteuil roulant électrique. Oui, avant je marchais. Et vous voyez, cette chose là j'ai tendance à l'oublier ou, en tout cas, à ne pas y penser tous les jours. C'est comme ça, c'est acquis. Et sur cette fameuse photo, retrouvée au hasard, je suis... debout. Je ne sais pas vous expliquer pourquoi mais la simple vue de cette photo, de cette fille debout m'a complètement bouleversée. Le souffle court. Le choc, vraiment. Plein de phrases me traversent l'esprit 'C'est moi ?!' 'Putain c'était quand ?' 'La vache, je ne m'en rappelais plus.'
Et très vite, la claque. Pour moi, c'est très clair, j'ai l'impression que ce n'est pas la même vie. Pas la même fille. Pourtant personne ne s'y tromperait: c'est bien moi, on me reconnait bien. Mais je sais au fond de moi, que cette photo fait partie du passé, le mien en particulier. Et mon coeur est triste à cette idée. Il y a la vie 'avant' et la vie 'après'. En tout cas, c'est mon sentiment. Comme une cassure.
Cette photo toujours en main, je ne sais (veux) pas la lâcher. Un simple cliché en noir et blanc m'a projetée presque dix ans arrière. C'est à la fois proche et si loin... Loin parce que je ne me voile pas la face, ce passé est définitivement mort. Cette période de ma vie était très riche en émotions - bonnes et mauvaises. J'étais à l'âge où les moqueries étaient nombreuses et douloureuses de la part des autres. Mais aussi à un âge où malgré tout, tout paraissait possible - aaaaah la naïveté de la jeunesse... Mais cela me parait proche également parce que je ne vois pas les années passer et j'oublie que le temps passe et que cela fait des années déjà que je ne marche plus.
Je ne vais pas vous dire que ma vie aujourd'hui - dans ma situation actuelle - ne me plait pas. Je vous dirais plutôt que le passé m'a rattrapé à travers une simple photo. C'est une partie de moi, de mon histoire que je n'oublie pas, mais il faut avancer dans la vie et se construire au fil des événements. L'important est d'aller de l'avant !
Deux choix s'offraient à moi ce soir là: ranger cette photo bien au fond de la boite, pour l'oublier. Ou alors, au contraire de l'assumer et l'afficher sur mon panneau photos que j'adore croiser chaque jour chez moi. J'ai choisi la deuxième option.
Cette photo fait partie de moi.