J'aborde ici un événement qui s'est passé il y a un peu plus d'un an, en début d'année 2011. J'avais pris le parti de ranger cela dans un coin de ma tête, et d'éviter au maximum d'y repenser parce que c'est trop douloureux. Mais hier soir, j'ai eu à me replonger la tête la première dans ces souvenirs si redoutés...
Nous sommes le mardi 18 janvier 2011, fin de journée. Je suis fatiguée, longue journée commencée très tôt car je partais en déplacement pour la journée sur Paris avec mon patron pour le boulot. Il est 18h, comme tous les jours, je fais le trajet seule de mon bureau à mon domicile à pieds (enfin, en fauteuil...) Donc ce jour là, à cette heure, il fait noir et froid et je quitte le bureau pour rentrer chez moi. Je fais le même trajet, traverse les mêmes rues à chaque fois. Sauf que visiblement, le sort avait décidé que quelque chose viendrait enrayer cet engrenage si bien huilé...
Je suis à deux cents mètres de mon bureau, à un carrefour. Les rues sont chargées, c'est l'heure de pointe, tout le monde rentre chez lui. A ce carrefour donc, regard à gauche, la voiture s'arrête pour me laisser passer. Regard à droite, la voiture est loin, j'ai le temps de traverser. Sauf que, non, je ne l'avais pas. Le conducteur ne m'avait visiblement pas vue et est arrivé à mon niveau à pleine vitesse. Résultat, il ne freine qu'au dernier moment. C'est inévitable: le choc. Je me fais percuter, voiture contre fauteuil roulant. Voiture: 1 - Fauteuil: 0.
C'est à cet instant très précis, avant le choc, que j'ai vu ma vie défiler sur des secondes qui paraissent des minutes. Pourtant, cet instant, en réalité, est très furtif. Au moment où j'ai tourné la tête à droite et que j'ai vu cette voiture foncer sur moi, j'ai su. J'ai su qu'il était trop tard et que je ne pourrai rien y faire: avancer, reculer, freiner, peu importe, les dès étaient lancés. Je me souviens avoir ressenti comme un vide en moi, comme un trou qui m'aspire. J'ai eu des images plein la tête, les idées se bousculaient. Le temps est comme suspendu... 'Et si c'était la fin ?' 'A qui je manquerai ?' 'Comment mes proches prendront la nouvelle ?' 'Je suis trop jeune, ce n'est pas mon heure !' 'Merde, j'ai peur.'
Et puis, d'un coup, le temps s'accélère, comme si la vidéo avait été remise sur marche. Et là, ça se bouscule. Ma première pensée est de constater que je ne suis pas tombée. Je lève la tête et je vois plein de monde autour de moi. Je suis en plein milieu de la route, de travers. Cela s'est vraiment joué à quelques bricoles près pour que je sois par terre. Je demande un coup de main pour me redresser et cherche à rejoindre le trottoir pour me mettre à l'abri de la circulation. Je suis un peu sonnée.
Je vous passerai les détails sur le conducteur et sa femme qui m'ont insulté et m'ont dit que tout était de ma faute. Bref.
Les pompiers arrivent très vite, à ce moment, très franchement, je n'ai mal nul part, j'ai juste eu très peur du choc. Les pompiers insistent pour m'emmener aux urgences, ils sont obligés de le faire. Trajet en ambulance, mon baptême. Attente à l'hôpital, rencontre du médecin, prescription médicale. 22h, me voilà rentrée à l'appart. Épuisée, je me couche, plutôt chamboulée par les derniers événements...
Le lendemain, là, le décor est tout autre. Je suis complètement bloquée du dos et j'ai des douleurs épouvantables. Fallait s'en douter, c'était forcément trop beau hier... Je fais donc passer mon médecin traitant. Résultat: une semaine d'arrêt de travail, repos maximum en restant allongée le plus possible et pas mal de cachets pour combattre la douleur. Je vous fais la version courte mais j'ai été, au final, trois semaines en arrêt de travail tellement la douleur était insupportable et chaque mouvement juste impossible. Autant vous dire, que mon quotidien a été bien bousculé par tout ça. Plus question de faire passer les auxiliaires de vie aussi souvent que d'habitude puisque chaque manipulation me demandait un effort et une lutte infernale contre cette p***** de douleur.
J'appréhendais beaucoup de refaire cette route à pieds en reprenant le travail mais je savais que c'était une première étape importante à franchir. Comme on dit, quand on tombe de cheval, il faut très vite remonter. Je faisais ces premiers trajets accompagnée par mon homme pour me rassurer. Et puis, un jour, je décide que ça suffit et qu'il faut affronter ça, seule, comme une grande !
Aujourd'hui, si je ressens le besoin de vous en parler, de l'écrire, c'est parce que je pensais cet incident 'classé', et j'entends par là, que mon esprit avait tourné la page, mais j'ai constaté hier soir que ce n'était pas le cas. C'est une blessure encore à vif. Et je souhaite, aujourd'hui, et une bonne fois pour toutes, clore ce dossier, si je puis dire, et le faire appartenir au passé. Hier soir, donc, j'avais rendez-vous avec le médecin missionné par mon assureur pour déterminer si mes blessures liées à l'accident peuvent être considérées comme 'consolidées'. Il s'avère que non, et ce, pour plusieurs raisons. La première raison est physique puisqu'aujourd'hui, plus d'un an après l'accident, j'ai toujours mal au dos, là où avant cela n'arrivait jamais. Et la deuxième est d'ordre psychologique car subir ce genre de choc laisse des traces, je reste angoissée par rapport à cela. Avoir à reparler en détails de tout ce qui s'était passé ce mardi 18 janvier à ce médecin hier m'a fait réaliser que cela m'a réellement beaucoup perturbée au point de ressentir des angoisses et d'avoir les larmes qui coulent sur les joues sans même le vouloir ou le contrôler... Alors, non, je ne suis pas guérie. Et pour cette raison, il sera probablement établi que le conducteur devra me dédommager. J'ai besoin de pouvoir mettre des mots sur les choses et qu'on reconnaisse qu'effectivement, traumatisme il y a eu.
Ce que je retire de tout cela au final, c'est d'avoir pris conscience que tout ne tient qu'à un fil en fait, la vie, le destin... Ce jour là, les conséquences auraient pu être tout autres, bien plus graves. Dramatiques mêmes. Mais aujourd'hui, je suis là, je vais (presque) bien et je me dis que j'ai eu de la chance. Oui, appelons ça, comme ça: de la chance. Comme un signe que la vie m'aurait envoyé pour m'indiquer de plus (ou mieux ?) profiter de chaque instant, de transformer cette vulnérabilité en force, en envie de vivre de belles choses quoi qu'il puisse arriver... Alors, aujourd'hui, à cet instant précis, je dis adieu à ces mauvais souvenirs, à ces souffrances, en les considérant comme partie intégrante du passé, de mon histoire. Adieu, donc.