C'est une question que je me suis souvent posée et que certains m'ont poseé, parfois. Je crois avant toute chose qu'il y a plusieurs façons d'aborder la maladie. La première étape est bien évidemment l'annonce de la maladie. Ce moment où le médecin va faire basculer ta vie. À jamais. Personnellement, à l'époque je me suis prise cette nouvelle en pleine gueule, c'est vrai. Avec cette incapacité à me projeter réellement dans l'avenir dans la mesure où c'est une maladie évolutive et que personne ne savait réellement me dire comment les choses allaient évoluer dans le temps.
Soyons clairs, depuis presque vingt ans maintenant, elle a bien évolué. J'ai traversé des périodes vraiment difficiles. De grandes périodes de doute, de peur. De désespoir, même. Ne pas savoir de quoi demain sera fait est profondément inconfortable. Bien sûr de grandes questions m'ont traversé l'esprit : Pourquoi cela m'arrive à moi ? Pourquoi maintenant ? Qu'ai-je fait de mal ? Et j'en passe. Ces questions restent bien évidemment sans réponse.
Les années ont passé et petit à petit, la maladie a occupé une place de plus en plus importante dans ma vie. Je n'ai pas pu lutter contre l'évolution de la maladie. C'était bien sûr un combat perdu d'avance. J'ai d'ailleurs mis un peu de temps avant de le comprendre et de l'accepter. Par contre, j'ai la sensation d'avoir eu à me battre contre toutes les mauvaises choses qu'elle m'a apportées à certaines périodes de ma vie. Par exemple, l'arrivée du fauteuil roulant a été une réelle épreuve. Douloureuse. Comme une étape irréversible vers une nouvelle personne. La personne assise, qui ne sera plus jamais debout. Ne marchera plus, jamais. Selon moi, cette étape m'a profondément changée. Rien ne serait plus comme avant, je le savais au fond de moi.
Chaque personne a sa propre façon de voir les choses. De vivre les choses. Il n'y a pas une seule et unique façon de vivre avec la maladie. Tout cela est lié au caractère, au tempérament. Lié aussi à la façon dont on est entouré, bien sûr. Pour ma part, j'ai eu la chance d'avoir autour de moi des gens qui m'ont plutôt encouragée. Qui m'ont poussée à réaliser mes projets et à ne pas me freiner parce que j'étais malade. J'ai appris très vite que rien n'est impossible. À force de volonté, chaque rêve est accessible. À tout le monde, quelque soit sa condition physique.
Aujourd'hui, je sais que j'ai accepté le fait que la maladie fait partie de ma vie. De moi. Elle est partie intégrante de mon quotidien. Indissociable. Pas un jour ne se passe sans que je ne doive vivre avec. C'est un fait. J'ai cependant appris à vivre sereinement, malgré la maladie. Elle ne m'a jamais empêchée de réaliser mes projets. D'atteindre mes rêves. J'ai l'impression qu'elle m'a rendue plus forte, plus solide. Elle m'a ouvert les yeux sur la valeur de la vie. La valeur de chaque journée que l'on a la chance de vivre. Elle m'a appris à profiter de chaque petits instants de bonheur, de magie, quand ils se présentent. En ça, je crois que la maladie a fait de moi quelqu'un de meilleur, de plus ouvert. En tout cas, j'aime le penser.
Par contre, je sais aussi que je n'ai pas accepté la maladie en tant que telle. Autant j'ai appris à vivre avec, autant je n'accepte pas forcément bien le fait que cela me soit tombé dessus. Le fait de ne pas l'accepter implique de me battre chaque jour. D'une certaine manière, cela est devenu un moteur pour moi au quotidien. Me battre pour que la maladie ne m'empêche jamais de vivre ma vie comme je l'entends. De me battre chaque jour pour qu'elle ne me vole pas ma liberté. Ma liberté de vivre, de penser, de m'exprimer. D'être entendue, malgré tout. Si j'arrête de me battre, je me meurs. De ça, je suis intimement convaincue. Je ne veux pas laisser la maladie gagner. Elle n'aura pas raison de moi. Jamais. La vie est bien trop courte pour se laisser abattre...