Dans un brouillard de mauvais karma ces derniers temps, il y a quand même eu aujourd'hui une très bonne nouvelle. De ces nouvelles qui laissent le sourire aux lèvres des heures entières. Je l'attendais depuis un très long moment. J'ai même dû attendre un mois entier pour avoir la confirmation par écrit. Oui, parce que pour des choses aussi importantes, je suis du genre à ne croire que ce que je vois.
Pour ceux qui me lisent régulièrement, vous savez qu'étant en fauteuil roulant, j'ai besoin de l'aide au quotidien d'auxiliaires de vie. (Tiens ça faisait un bail qu'on n'avait pas parlé d'elles ici !) Pour ce faire, je fais appel à un service prestataire qui, sur la base de mes besoins, met en place une équipe de plusieurs personnes. Pour que les choses soient bien claires, sans l'aide de ces personnes, je suis dans l'incapacité totale de me débrouiller seule.
En Novembre 2011, après une énième déconvenue avec un prestataire, j'ai eu à en changer. Après plusieurs entretiens, mon choix s'est porté sur un prestataire en particulier. Nous l'appellerons l'association A. J'ai clairement exprimé mes besoins en terme de nombre d'heures mais aussi en terme de nombre de personnes dans l'équipe. Il en fallait quatre (j'ai près de 30h de prestations par semaine). Ils ont accepté le contrat et se sont bien évidemment engagés à respecter toutes ces choses à la lettre.
Je vais essayer de vous résumer ce qui s'est passé de la manière la plus courte possible. Au départ, il y avait bien quatre personnes dans l'équipe. Et puis très vite une des quatre a commencé à commettre des fautes. Beaucoup de fautes. La plus grave d'entre elles étant de se présenter avec près de 1h30 de retard un matin alors que je devais me rendre au bureau à 09h00. Ce matin là je n'ai pas pu aller bosser à cause d'elle. J'ai donc du en faire part en son employeur et ai pris la peine de rédiger une lettre retraçant l'ensemble de ses erreurs. Résultat: son employeur l'a licenciée car elle commettait de trop nombreuses fautes. Le souci c'est que cette fille était super amie avec une des autres personnes de mon équipe. Et force a été de constater que dès l'instant où elle a quitté l'équipe, son amie a commencé à ne plus être correcte avec moi. À effectuer les prestations dans de très mauvaises conditions pour moi. Certains jours je n'avais même pas le droit à un bonjour. Imaginez-vous cela tous les jours, plusieurs fois par jour. Je vous le dis, c'est très pesant et peut faire très mal.
Les semaines ont passé et mon équipe est passée de quatre à deux personnes. Dont celle qui commençait à poser problème. Deux personnes pour assurer mes trente heures de prestations par semaine. Vous voyez où je veux en venir ? Cela mettait clairement mon équipe en péril. J'en ai fais part à la directrice. À de nombreuses reprises. Lui signifiant qu'il était urgent de recruter une nouvelle personne. Car en cas d'arrêt de travail ou de congés de l'une ou l'autre, je serais en danger. Les mois ont passé, on ne m'a pas présenté de nouvelles personnes. Je vivais dans l'angoisse quotidienne que quelque chose se produise et que je sois privée d'aide au quotidien.
Et puis, ce qui devait arriver arriva. L'une refusant d'intervenir chez moi et l'autre en arrêt maladie. Résultat: personne pour effectuer mes prestations durant trois jours entiers. Le ciel m'est tombé sur la tête lorsque j'ai appris la nouvelle. Si mon conjoint n'avait pas pu être présent, je me serais retrouvée dans une situation humaine des plus dégradantes. Les semaines suivantes, certaines prestations n'ont également pas été effectuées.
Pendant tout ce temps, la directrice de l'association A. n'a cessé de me mettre la pression pour que je m'en aille. Que je mette fin au contrat. Pour ne pas avoir à le faire elle. Seulement, je n'ai pas cédé. C'était trop facile. À quoi bon signer un contrat si, à la moindre difficulté, on baisse les bras. Voyant que je ne comptais pas céder sous leurs pressions, ils ont mis fin au contrat. Mais, ils ont attendu bien trop longtemps. Me laissant vivre durant des semaines dans l'angoisse totale. Une putain d'épée de damoclès.
Ce n'est malheureusement pas la première fois que je me retrouve dans des situations critiques. Cela fait des années que j'en bave, que je traverse de grosses difficultés avec des prestataires et des auxiliaires de vie. J'ai bien souvent baissé la tête. Encaissé en silence. Je me contentais de changer de prestataire et d'oublier du mieux possible ce qui s'était passé auparavant. On doit appeler ça l'instinct de survie.
Et puis dans ce cas présent, j'ai décidé de relever la tête, j'ai décidé que trop de gens s'en sortent. Mettent des personnes handicapées dépendantes en danger sans vouloir en prendre la moindre responsabilité. Se contentant d'espérer qu'elles craqueront sous la pression et partiront les premières. Alors, pour le principe, à titre d'exemple, j'ai pris la décision d'attaquer l'association A. Parce que j'en ai assez que ces gens là s'en sortent. Que ces gens là continuent de ne voir dans leur métier que l'aspect purement financier. Un contrat signé = autant d'argent qui rentre chaque mois. Non. Ça devrait être bien plus que ça. Où est l'humain là dedans ? Comment sont prises en compte la dépendance et ses souffrances ? Sommes-nous juste un numéro de dossier ?
Une fois la procédure lancée, l'association A. a été convoquée au tribunal. La directrice a demandé un report d'audience afin d'avoir le temps de monter son dossier. Après un an, le jour de l'audience arrivé, elle ne s'est même pas présentée. Ni présente, ni représentée. L'affaire a donc été plaidée par mon avocate, sans elle. J'étais présente. Je ne vous cache pas que c'est hyper impressionnant de se retrouver dans un tribunal. On ne fait pas les malins. J'avoue avoir été énervée puis déçue de l'absence de la directrice ce jour là. Et puis, je me suis résignée en me disant que les choses étaient de toutes façons entre les mains de la justice. Il me fallait donc être patiente car je ne connaitrais le verdict qu'un (long) mois après l'audience. Il s'avère que j'ai reçu la notification ce matin.
Et là, j'en ai eu la confirmation. J'ai gagné, putain. J'ai gagné. Je ne trouverai pas les mots pour vous dire exactement ce que j'ai pu ressentir à la lecture du courrier. Un juge a confirmé le fait que la directrice de l'association A. a commis des fautes. Des fautes ayant des conséquences. Des conséquences sur des personnes, et en l'occurrence, moi. Ma démarche en attaquant l'association il y a un an était de faire un exemple. Après toutes les galères que j'ai pu traverser au fil des années, je voulais que quelqu'un reconnaisse que ce n'est pas normal. Que c'est puni par la loi. Et cela s'est produit. Un juge a estimé que j'avais subi un préjudice. Un préjudice qui doit être réparé.
Ce soir, je me sens fière d'avoir accepté de me battre. D'avoir été jusqu'au bout. De n'avoir rien lâché. Ces combats que je mène régulièrement ne sont jamais uniquement pour moi. Je pars toujours du principe que les combats doivent être menés au nom de tous. Tous ceux qui n'ont pas la possibilité de le faire. Qui sont impuissants et passent leur vie à subir. Ce n'est pas juste. Être handicapé ou malade ne sous entend en aucun cas qu'il faille faire une croix sur sa dignité, sous prétexte que l'on est dépendant. Chaque être humain, quelle que soit sa condition, mérite le respect et la considération.
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Et pour cela, je me battrai toute ma vie.