Il est bien souvent de coutume de penser qu'être en fauteuil sous entend être triste ou ne pas aimer la vie. Être fermé aux autres.
Je me bats tous les jours pour contredire ces préjugés et cherche justement à montrer aux autres que le handicap n'empêche pas le bonheur et le fait de croquer chaque petit morceau de vie à pleines dents.
Je vais vous énoncer toute une série d'idées toutes faites sur le handicap que je pourrai illustrer avec des situations personnelles :
1- Une personne handicapée ne travaille pas.
Parce que les préjugés ont la dent dure. Je ne compte plus le nombre de fois où, par exemple en soirée avec une majorité de gens que je ne connais pas, chacun y va de ses questions rituelles 'Salut, moi c'est Untel,... et moi c'est Untel, enchanté ! Tu viens d'où ? Tu fais quoi dans la vie sinon ?' Et bien moi cette dernière question, vous voyez, il n'est pas rare qu'on ne me la pose pas, ou qu'on hésite à me la poser... Comme si, de part ma situation de personne à mobilité réduite, il serait tout à fait logique et évident que je ne travaille pas ! Quand quelqu'un se risque à quand même poser cette question, ma réponse fait toujours le même effet: 'Je suis architecte.' Air étonné et curieux: 'Oh, c'est bien ça ! Ça doit être sympa ça comme boulot !' Et à vrai dire, aujourd'hui encore, je ne sais toujours pas si c'est ma profession en particulier qui impressionne et réjouit les gens ou bien si c'est le fait d'apprendre que moi, personne handicapée, je peux travailler!
Dans le même genre, il y a aussi les gens - les auxiliaires de vie en particulier - qui se sont mis en tête, avant même de me connaître, que je ne travaille pas et que donc les horaires ne sont pas essentiels à respecter dans la mesure où, d'après elles, je n'aurais rien à faire. J'ai souvent à rappeler, dans ce contexte, que je suis une personne active - comme tout le monde - et que - comme tout le monde - j'ai des horaires à respecter et des responsabilités à assumer.
2- Une personne handicapée ne voyage pas.
Parc Güell - Barcelone.
Oui, c'est bien connu, on reste enfermés chez nous ! Bah oui, comment faire autrement ? Et bien en utilisant des moyens qui sont désormais de plus en plus nombreux en France et ailleurs.
Il y a plusieurs types de 'voyage'. Il y a d'abord les trajets quotidiens, comme pour aller travailler par exemple. Pendant des années, j'ai pris tous les jours le tramway et le métro pour me rendre au bureau. Aujourd'hui, j'ai la chance d'habiter près du bureau et fais donc le trajet à pied matin et soir (ça en surprend souvent plus d'un !)
Ensuite, il y a les voyages de 'loisirs' je dirai, comme un départ en weekend ou en vacances ou tout simplement une sortie entre amis. Et là, les moyens de transport sont nombreux ! Je vais vous parler de ce que je connais le mieux: la voiture et le train.
J'ai la chance d'avoir en ma possession un véhicule aménagé pour y installer mon fauteuil roulant (je vous faisais part de ça ici.) et j'ai pu, grâce à cette voiture, rejoindre plein de destinations telles que l'Espagne (Barcelone, en passant je suis d'ailleurs tombée radicalement amoureuse de cette ville!), Paris, Bruges, Amsterdam et j'en passe...
Le train: depuis plusieurs années la SNCF a considérablement amélioré la situation pour les personnes en situation de handicap. En aménageant les quais de gare, la plateforme élévatrice pour monter dans le train, l'accompagnement en gare... Et je dois dire que cela me permet de régulièrement voyager seule, sans accompagnateur, avec - comme tout le monde - mon sac de voyage sur le dos ! (jetez un coup d'oeil ici.)
Le moyen de transport que je n'ai pas encore eu la chance de pratiquer est l'avion. J'aimerais que l'année 2012 soit l'année où je prendrai l'avion pour la première fois pour une destination que je ne pourrais atteindre autrement ou, en tout cas, pas aussi rapidement. Mon plus grand rêve est d'aller à New York (ça c'est le rêve où je vois grand !!) et puis, de manière plus réaliste, retourner à Barcelone ou aller en Italie.
3- Une personne handicapée ne prend pas soin d'elle.
Là je mets le doigt sur un cliché qui serait de penser qu'on ne prendrait pas soin de nous. Qu'on aurait un rapport à notre corps tellement mauvais qu'on n'aurait pas envie de plaire, de séduire et de présenter une jolie apparence. Nous devrions forcément être mal habillés, mal coiffés avec une allure négligée.
Et bien non ! Je suis une femme, et comme toute femme qui se respecte, j'aime prendre soin de moi. Je prends la peine de me maquiller, choisir ma tenue, me coiffer, porter des bijoux, me mettre du vernis à ongles... Je m'efforce de montrer que je peux être féminine et séduisante comme chacune d'entre vous. Je ne vois pas de raison d'agir autrement.
Mais si je devais être tout à fait honnête avec vous, il y a des jours où je suis à la bourre le matin, que je n'ai pas le temps de m'apprêter comme d'habitude, ou je n'ai pas spécialement l'envie tout simplement, je ne peux m'empêcher d'entendre cette petite voix dans ma tête qui me dit 'oui, mais que vont penser les gens si tu sors comme ça - dans ta situation ?' Bizarre, non ?
Comme toute femme qui prend soin d'elle, j'ai plaisir à être complimentée sur ma tenue ou mon maquillage.
4- Une personne handicapée ne peut pas aimer ou être aimée.
Oui, vous avez bien lu. L'amour, on y aurait pas le droit ! Et pourquoi ? Parce qu'on ne serait pas comme tout le monde ?
Et bien moi, je crie haut et fort: oui, nous avons le droit à l'amour ! Je suis amoureuse et fière de l'être. J'ai la chance d'avoir un homme à mes côtés qui m'aime en retour. Cet article vous en parlera encore mieux. Malheureusement, cet état de fait ne peut pas être généralisé à toute personne handicapée et je le déplore. Je sais que le handicap fait peur, fait fuir parfois et donc certaines personnes en situation de handicap n'ont pas la chance de plaire ou de faire des rencontres amoureuses. Ça m'emmerde parce que chacun, quelque soit sa situation - valide ou non - mérite de trouver l'amour. Nous avons généralement un grand coeur plein d'amour et de tendresse à offrir ! Faites passer l'info à qui veut l'entendre ;)
5- Une personne handicapée ne rit pas.
Quoi, c'est interdit de sourire ou de rigoler ? Sortons de ces clichés où on pense qu'on est triste, qu'on fait la gueule tout le temps ! J'aime rire, de petites choses. Le rire fait partie de mes journées. Je suis malheureuse quand je ne ris pas. J'ai beaucoup de chance car avec mon homme, on rit de tout et souvent. Cela permet parfois de prendre certaines choses avec légèreté.
Je crois beaucoup au pouvoir du sourire sur le corps et sur les autres. Une personne souriante est forcément plus attirante et donne probablement plus envie de venir vers elle... Alors, souriez !
6- Une personne handicapée ne pense pas.
Ça c'est sans doute l'idée reçue qui m'insupporte le plus ! Alors sous prétexte d'un handicap, on n'aurait pas le droit d'avoir des opinions, des envies ou de faire des commentaires ? Je sais, c'est à peine croyable que des gens pensent encore de la sorte, pourtant cela existe. J'ai croisé le chemin de certaines de ces personnes par le passé. Et bien souvent, ce sont les moments où j'ai pu avoir le plus la rage et être la plus 'mauvaise'. Effaçons de suite une mauvaise idée reçue, handicap moteur = débilité. Non ! C'est un raccourci un peu trop facile. J'en suis la preuve vivante, je suis en fauteuil mais j'ai fait de longues études et j'ai un métier (cf point n°1). Conclusion, chacun, quelque soit sa situation, a le droit de s'exprimer et d'émettre une opinion.
7- Une personne handicapée ne peut pas vivre seule.
Un autre cliché, on vivrait tous en communauté ou je ne sais quoi. Ben non, je suis comme vous, j'aime avoir mon petit chez moi. Mon espace de vie et de paix. Et tout cela grâce au fait que je travaille, j'ai la chance de pouvoir vivre dans un lieu où je me sens bien, dans une ville et un quartier qui me plaisent beaucoup. J'en suis fière, je dois le reconnaître. Parce que ce loyer, je le paie grâce aux 35h de boulot par semaine que je fais. Alors, bien sûr, vivre seule quand on est dans ma situation demande une certaine organisation, comme la présence d'auxiliaires de vie au quotidien. Mais franchement, même si certains jours c'est pesant, la majorité du temps je me dis que c'est peu de chose comparé au plaisir de rentrer tous les soirs chez moi.
J'ai d'ailleurs beaucoup de plaisir à recevoir des amis ou ma famille chez moi et d'organiser des diners avec un bon repas et une jolie table.
8- Une personne handicapée n'aime pas la vie.
Si vous ne devez retenir qu'une chose: la vie appartient à tout le monde. Alors, malgré les difficultés de mon quotidien, malgré la maladie, je choisis la vie, et ce à n'importe quel prix, peu importent les obstacles, je vis chaque instant de la vie à fond. C'est mon moteur, mon énergie vient du fait que la vie est trop courte et qu'il faut profiter au maximum. Profiter de chaque joie - petite ou grande - là où elle se présente. Alors vivez, ne vous laissez jamais abattre !