Certaines lectures, certains mots ne nous laissent pas insensibles. Parfois mêmes, les mots nous bousculent. Au point d'en avoir les larmes aux yeux. Ils trouvent écho en nous sans pouvoir l'expliquer. Ils piquent, ils touchent, ils éclaboussent. Ces moments sont précieux. Les mots sont la vie, ils sont ce que l'on est. Ils sont tellement puissants parfois que même l'histoire d'un autre peut nous bouleverser. Les mots sont vivants. Ils sont émotion. Ils sont joie. Ils sont une trace de notre passage sur terre. Tel une photographie. Ils impriment un vécu et nous permettent de ne pas oublier. Parfois, les mots soulagent. Ils sont pansement. Les mots sont sans tabous. Ils sont nous.
Je partage avec vous un texte de Grand corps malade qui m'a bouleversée aujourd'hui. Ses mots ont trouvé écho en moi. Comme s'ils m'étaient destinés. Comme si ils décrivaient ma propre histoire. Mes propres pensées. Je suis littéralement tombée amoureuse de ses mots. Je les trouve vrais, authentiques. Sans détour. Sans mensonge. Ils sont vérité. J'espère que ces mots trouveront écho en vous également.
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La nuit est belle, l'air est chaud et les étoiles nous matent,
Pendant qu'on kiffe et qu'on apprécie nos plus belles vacances,
La vie est calme, il fait beau, il est deux heures du mat,
On est quelques sourires à partager notre insouciance.
C'est ce moment-là, hors du temps, que la réalité a choisi,
Pour montrer qu'elle décide et que si elle veut elle nous malmène,
Elle a injecté dans nos joies comme une anésthésie,
Souviens-toi de ces sourires, ce sera plus jamais les mêmes.
Le temps s'est accéléré d'un coup et c'est tout mon futur qui bascule,
Les envies, les projets, les souvenirs, dans ma tête y'a trop de pensées qui se bousculent,
Le choc n'a duré qu'une seconde mais ses ondes ne laissent personne indifférent,
"Votre fils ne marchera plus", voilà ce qu'ils ont dit à mes parents.
Alors j'ai découvert de l'intérieur un monde parallèle,
Un monde où les gens te regardent avec gêne ou avec compassion,
Un monde où être autonome devient un objectif irréel,
Un monde qui existait sans que j'y fasse vraiment attention.
Ce monde-là vit à son propre rythme et n'a plus les mêmes préoccupations,
Les soucis ont une autre échelle et un moment banal peut être une très bonne occupation,
Ce monde-là respire le même air pas tout le temps avec la même facilité,
Il porte un nom qui fait peur ou qui dérange : les handicapés.
On met du temps à accepter ce mot, c'est lui qui finit par s'imposer,
La langue française a choisi ce terme, moi j'ai rien à proposer,
Rappelle-toi juste que c'est pas une insulte, on avance tous sur le même chemin.
Et tout le monde crie bien fort qu'un handicapé est d'abord un être humain.
Alors pourquoi tant d'embarras face à un mec en fauteuil roulant,
Ou face à une aveugle, vas-y tu peux leur parler normalement,
C'est pas contagieux pourtant avant de refaire mes premiers pas,
Certains savent comme moi qu'y a des regards qu'on oublie pas.
C'est peut-être un monde fait de décence, de silence, de résistance,
Un équilibre fragile, un oiseau dans l'orage,
Une frontière étroite entre souffrance et espérance,
Ouvre un peu les yeux, c'est surtout un monde de courage.
Quand la faiblesse physique devient une force mentale,
Quand c'est le plus vulnérable qui sait où, quand, pourquoi et comment,
Quand l'envie de sourire redevient un instinct vital,
Quand on comprend que l'énergie ne se lit pas seulement dans le mouvement.
Parfois la vie nous teste et met à l'épreuve notre capacité d'adaptation,
Les cinq sens des handicapés sont touchés mais c'est un sixième qui les délivre,
Bien au-delà de la volonté, plus fort que tout, sans restriction,
Ce sixième sens qui apparaît, c'est simplement l'envie de vivre.
Texte de Grand corps malade, Sixième sens.
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Ce sixième sens qui apparaît, c'est simplement l'envie de vivre.