Cette question m’a été posée ces derniers jours par une personne qui ne me connaît pas encore bien. J’avoue avoir été un peu prise de cours par cette question, ne sachant pas trop quoi répondre de but en blanc, comme ça. Comment répondre à cela en quelques mots seulement ? Depuis cette discussion, j’avoue m’être vraiment replongée dans ces sentiments du passé, ces souvenirs pas forcément les plus réjouissants. Mais j’ai décidé de réellement me poser la question personnellement et je dois dire qu’au final, ce n’est pas si triste que cela.
Alors pour la petite histoire, il était une fois... (nan, j’déconne !). Je rentre rarement dans le détail de ma maladie pour davantage vous faire part de mes ressentis et de mes expériences par rapport à certaines épreuves de la vie. Je vais quand même vous en dire un peu plus cette fois-ci pour coller au sujet abordé. On a découvert ma maladie à l’âge de 10-11 ans quand j’étais en CM2. À cette époque, je marchais, courais, sautais comme tous les autres enfants. Sauf que certaines fois, je tombais et je me fatiguais facilement.
Le médecin qui m’a annoncé la maladie à l’époque m’a indiqué qu’un jour je ne marcherai plus. Mais qu’il ne savait pas quand. Je crois qu’à cet âge-là, on ne se rend pas encore compte de ce que cela signifie. Vraiment. On ne se projette pas du tout sur la suite. Tout ce que l’on souhaite, c’est que les choses restent comme elles étaient avant et que l’on puisse continuer de jouer avec les autres. L’air de rien. Sauf que dans la réalité, cela ne s’est pas vraiment passé comme cela. À cause des chutes régulières et de la grande fatigabilité, j’étais dispensée de sport à l’année à partir du collège et je restais dans ma salle de classe durant les récréations afin de ne pas être bousculée et prendre le risque de chuter.
Plus les années ont passé, plus la marche devenait difficile. Au point que tour à tour sont arrivés dans ma vie le fauteuil roulant manuel, puis électrique. Au départ, je me mettais encore un peu debout et faisais quelques pas. Et puis un jour, suite à une chute et une mauvaise entorse, je ne me suis plus jamais remise debout et ai dû utiliser le fauteuil électrique en permanence. Cela a été, à mon sens, la plus grosse épreuve que la maladie a mis sur mon chemin : la perte de la marche. Parce que ne plus pouvoir se mettre debout du tout change énormément de choses au quotidien. Vraiment beaucoup. Du jour au lendemain, on ne peut quasiment plus rien faire seule et devons dépendre de tierce personnes pour nous aider (mais ceci est un autre vaste sujet...).
Quand je repense à cette époque où j’étais debout et je marchais, je ne suis pas triste. Je ne le suis plus en tout cas. Je souris même quand je me revois sur des skis en classe de neige. J’ai d’ailleurs une photo de moi dans mon salon. J’aime beaucoup cette photo. Par contre, elle procure un sentiment peut-être un peu étrange. J’ai l’impression qu’elle fait partie d’une précédente vie. Comme s’il y avait la vie avant et après la perte de la marche. Et que quelque part, une partie de moi a vécu ou vis l’une ou l’autre de ces vies. Deux vies dans une seule, ce n’est quand même pas mal, non ?
Je ne suis plus la même qu’à l’époque, c’est certain. J’ai évolué. Mais je suis fière de me dire que j’ai eu la chance de marcher et de me mettre debout. Voir le monde debout ou assis n’a strictement rien à voir, croyez-moi. Aujourd’hui, je porte un regard différent sur la vie. J’ai dû faire le deuil de la personne d’avant. Celle qui courait dans la cour de récréation, qui évoluait en toute insouciance. Sans savoir vraiment ce que l’avenir lui réserverait. Mais je crois que je ne regrette rien. J’aime mes deux vies. J’ai appris à ne pas être malheureuse. En fait non, je sais qu’il y a longtemps de cela maintenant, j’ai décidé d’être heureuse. Quoi qu’il arrive.
Parce que debout ou assis, on a plein de choses à découvrir
et à vivre, vous ne croyez pas ?